Antifasciste … what else ? 

Si j’étais Américain, que dirais-je aujourd’hui, c’est la question que je me suis posé ce matin en lisant les nouvelles … du front.

Après la garde républicaine à Los Angeles, Washington, Portland, on parle aujourd’hui de l’armée à Chicago. Autant de cités démocrates désormais qualifiées de “zones de guerre” par le chef des armées.

Je suis juriste dans un Etat de droit, alors par la force des choses je suis antifasciste.

Quand on prend le temps de comprendre ce qu’est le fascisme il est évident que nous sommes et nous nous devons tous d’être antifascistes, à gauche comme à droite de l’échiquier politique. 

Selon Emilio Gentile, spécialiste du fascisme, le fascisme est un mouvement politique et une idéologie moderne, nationaliste, révolutionnaire et totalitaire, qui vise à réaliser une révolution anthropologique, en transformant l’homme et la société, pour créer un “homme nouveau” à travers l’État, le parti unique, la mobilisation des masses, le culte du chef et la suppression des oppositions, dans le but de détruire la démocratie libérale et de s’imposer comme une alternative radicale aux principes de liberté et d’égalité modernes (Qu’est ce que le fascisme – Gallimard).

Le fascisme c’est donc ça : totalitarisme, culte du chef, suppression des oppositions, destruction de la démocratie ainsi que des valeurs de liberté et d’égalité qui structurent nos cités au travers du Droit.

Alors que nous juristes, nous croyons dans le Droit.

Le droit nous y croyons parce que la Loi le consacre.

La loi nous y adhérons parce que nous l’élaborons ensemble dans un processus et débat démocratique au long cours.

La loi, nous ne l’imposons pas. Elle s’impose à nous. Ce n’est pas celle du plus fort. Chez nous les règles ne changent pas du jour au lendemain, à coups de décrets émis au gré de l’humeur du chef ou de lois archaïques opportunément exhumées puis dévoyées. On en débat librement, on vote, puis on s’y conforme, sans exceptions.

Dans le respect de nos principes fondateurs. 

Liberté, égalité, démocratie, indépendance et vivre-ensemble, pour ne prendre que le Préambule de notre Constitution fédérale, pareille à tant d’autres.

À cause de la défense active de telles conceptions certains seraient désormais qualifiés de terroristes ? 

Soit, mais n’oublions pas que ceux qui pointent du doigt ces “terroristes” d’un nouveau genre ne sont autres que ceux que la loi, la démocratie et l’égalité terrorisent.

Juriste dans un Etat de droit, je n’aurais crainte de leur dire :

Vous, que l’application de la loi terrorise, vous pouvez poursuivre vos juges, vos procureurs, vos avocats, tous vos contradicteurs, mais vous vous heurterez toujours à la puissance de notre Droit.

Chez nous la force n’est rien face à la loi.

Envoyez nous vos réservistes comme à Los Angeles, Washington, Portland et désormais Chicago. Nous leur parlerons de nos Constitutions. 

De ce « land of the free, home of the brave » qui ne doit pas oublier que le courage, c’est avant tout de protéger la démocratie, les libertés et de s’opposer au démantèlement des fondements d’un Etat qui, de haute lutte, fut l’un des pionniers de l’Etat de droit moderne.

Car nous sommes juristes, nous sommes antifascistes. 

C’est ce dont j’aurais voulu me revendiquer ce matin (certes confortablement installé dans notre Etude veveysanne baignant dans les volutes de fumée du premier café de la journée) si j’étais Américain.

Mais oserais-je le dire ainsi si j’étais Américain aux Etats-Unis

Je n’en suis plus certain. 

Et c’est à l’aune de cette incertitude que je mesure le réel courage de ceux qui, en Amérique, luttent pour le maintien de l’Etat de droit et s’opposent au retour de la loi du plus fort.

LT