L’Ordonnance 2 du Conseil fédéral sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance 2 COVID-19) dans sa modification du 16 mars 2020 est en vigueur depuis 00h00. Sur le plan cantonal, dans le Canton de Vaud, le Conseil d’Etat a adopté un Arrêté du 16 mars 2020 relatif aux mesures de protection de la population et de soutien aux entreprises face à la propagation du coronavirus COVID-19 (ci-après Arrêté VD COVID-19) entré en vigueur ce matin à 06h00.
Ces deux textes prévoient des sanctions pénales pour les contrevenants.
A. Ordonnance 2 du Conseil fédéral sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19)
La nouveauté réside principalement dans son article 6 reformulé.
L’article 6 al. 1 Ordonnance COVID-19 pose le principe pour toutes les manifestations publiques ou privées : ” 1. Toutes les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives, sont interdites. “
L’article 6 al. 2 Ordonnance COVID-19 consacre la fermeture des établissements publics:
” 2 Les établissements publics sont fermés, notamment:
a. les magasins et les marchés;
b. les restaurants;
c. les bars, les discothèques, les boîtes de nuit et les salons érotiques;
d. les établissements de divertissement et de loisirs, notamment les musées, les bibliothèques, les cinémas, les salles de concert, les théâtres, les casinos, les centres sportifs et de fitness, les piscines, les centres de bien-être et les domaines skiables, les jardins botaniques et zoologiques et les parcs zoologiques; e. les prestataires offrant des services impliquant un contact physique tels que salons de coiffure, de massage, de tatouage ou de beauté.
Quant à L’article 6 al. 2 Ordonnance COVID-19 , il liste les exceptions à la fermeture des établissements publics:
“ L’al. 2 ne s’applique pas aux établissements et manifestations suivants:
a. magasins d’alimentation et autres magasins v (p. ex. kiosques, shops de stations-service) pour autant qu’ils vendent des denrées alimentaires ou des biens de consommation courante;
b. services de petite restauration à l’emporter, cantines d’entreprises, services de livraison de repas et services de restauration pour les clients des hôtels;
c. pharmacies, drogueries et magasins vendant des moyens auxiliaires médicaux (p. ex. lunettes, appareils auditifs);
d. offices et agences de poste;
e. points de vente des opérateurs de télécommunication;
f. banques;
g. stations-service;
h. gares et autres infrastructures de transports publics;
i. ateliers de réparation de moyens de transport;
j. administrations publiques;
k. services du domaine social (p. ex. centres de conseil);
l. inhumations dans le cercle familial restreint;
m. établissements de santé tels qu’hôpitaux, cliniques et cabinets médicaux ainsi que cabinets et établissements gérés par des professionnels de la santé au sens du droit fédéral et cantonal;
n. hôtels.
Enfin, l’article 6 al. 4 Ordonnance COVID-19, prévoit que “Les établissements et manifestations visés à l’al. 3 doivent respecter les recommandations de l’Office fédéral de la santé publique en matière d’hygiène et d’éloignement social. Ils doivent limiter en conséquence le nombre de personnes présentes et empêcher les regroupements de personnes.“
S’agissant des sanctions pénales, l’ordonnance COVID-19 érige en délit passible de trois ans de prison le fait de violer, intentionnellement, l’art. 6 al. 1, 2 et 4 Ordonnance COVID-19. Ainsi l’article 10d Oronnance COVID-19 prévoit-il : ” Quiconque, intentionnellement, s’oppose aux mesures visées à l’art. 6, al. 1, 2 et 4, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, à moins qu’il n’ait commis une infraction plus grave au sens du code pénal“.
B. L’Arrêté vaudois du 16 mars 2020 relatif aux mesures de protection de la population et de soutien aux entreprises face à la propagation du coronavirus COVID-19
Au niveau cantonal l’Arrêté VD COVID-19, porte sur des questions que le Conseil fédéral n’a pas traitées ou précise certaines notions.
Ainsi, les “rassemblements privés” sont limités à 10 personnes (art. 2 al. 2 Arrêté VD COVID-19).
S’agissant des activités sportives, l’article 4 al. 2 Arrêté VD COVID-19, prévoit que “les activités sportives qui n’impliquent pas une distance sociale de moins de 2 mètres, pratiquées à l’extérieur avec moins de 5 personnes sont autorisées. Les infrastructures nécessaires peuvent être ouvertes. Les espaces communs des installations sportives, notamment les vestiaires, buvettes et restaurants sont en revanche fermés“. Ainsi, un match de tennis est en l’état encore possible, mais pas une partie de football entre amis (distance sociale de moins de 2 mètres). Pas de problème pour votre jogging matinal, votre sortie à peaux de phoque, ou votre tour à vélo pour autant que vous ne rouliez pas en peloton…
Qu’en est-il de la promenade au parc public ou à la place de jeu ? Selon l’article 4 al. 2 Arrêté VD COVID-19 ” les rassemblements dans les parcs, jardins publics, aires de jeu sont limités à 5 personnes, pour autant qu’une distance sociale de 2 mètres soit respectée “. Ce sera donc 5 personnes en même temps maximum et pour autant qu’elles ne soient pas plus proche de 2 mètres les unes des autres. Ça promet de jolies questions d’interprétation de la norme et d’établissement des faits ….
Pour ce qui est du travail l’article 4 al. 2 Arrêté VD COVID-19 prévoit que : ” Les entreprises, institutions privées et administrations communales mettent tout en œuvre pour éviter l’accès au lieu de travail et sont exhortées à faciliter le télétravail. Elles prennent toutes les mesures nécessaires permettant le respect strict des normes d’hygiène et de distance sociale communiquées par les autorités sanitaires“. Que faut-il entendre exactement par “faciliter le télétravail” et quid de l’employeur qui s’y refuserait ?
Ces questions sont loin d’être anodines puisque l’article 16 Arrêté VD COVID-19 érige en infraction toutes les contraventions aux dispositions prévues par l’arrêté et que les amendes sont salées. Elles peuvent en effet s’élever jusqu’à CHF 50’000.- en cas de récidive. Ainsi : ” Les contraventions au présent arrêté ou à ses directives ou décisions d’application sont punis d’une amende de 20’000 francs au plus. En cas de récidive, l’amende peut être de 50’000 francs au plus “.
Comment ces dispositions seront-elle interprétées et comment leur violation pourra-t-elle être prouvée cas échéant, nous allons au devant de questions de faits et de droit très vraisemblablement inextricables.
Pour l’heure, principe de précaution et de responsabilité individuelle oblige, tout un chacun serait bien inspiré de rester chez soi. Mais lorsque les premiers contrevenants devront répondre de leurs violations à l’Arrêté VD COVID-19 ou à l’Ordonnance COVID-19 ces questions devront indéniablement se poser, avec celles du principe de légalité, qui veut que la norme pénale soit claire et précise s’agissant du comportement incriminé, ou encore le principe de proportionnalité, dans la mesure où certaines des interdictions précitées portent indéniablement atteinte à nos droits fondamentaux.
En attendant moi, si je le peux, JE RESTE CHEZ MOI !