Nouvel arrêt du TF 6B_1308/2020, destiné à la publication, qui vient clarifier une question régulièrement ouverte, mais jamais résolue à ce jour : Celle de la fixation de la peine pécuniaire, en l’occurrence lorsque les faits ont été commis avant l’entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions.

En effet, le droit actuel des sanctions prévoit que, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire ne peut pas excéder 180 jours-amende (art. 34 CP). Cette norme est en vigueur depuis le 1er janvier 2018.

Auparavant, cette même disposition prévoyait que la peine pécuniaire ne pouvait excéder 360 jours-amende.

Il y a en effet lieu de rappeler que la « raison » d’être de la révision du droit des sanctions était d’aller dans le sens d’un durcissement.

Ainsi, dans son Message, le Conseil fédéral rappelait-il que « le nouvel art. 34 CP vise à réduire le champ d’application de la peine pécuniaire et, par conséquent, à accroître celui de la peine privative de liberté (…) la réduction de la peine pécuniaire maximale à 180 jours-amende participe au durcissement général du régime des peines. (…) si la gravité de la faute commise ne s’accommode pas avec une peine pécuniaire de moins de 180 jours-amende et que les conditions ne sont pas réunies pour accorder un sursis au condamné, la seule option qui s’offrira au juge sera la peine privative de liberté ferme. (…)  l’auteur sera ainsi puni plus sévèrement (Message du 4 avril 2012 relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire » (FF 2012 4385, spéc. p. 4406).

En l’espèce, il est reproché à un prévenu jugé en 2019 (1ère instance) et en 2020 (appel) des faits constitutifs de lésions corporelles graves par négligence notamment intervenus en 2015, si bien que se posait la question de la lex mitior. Ce principe, ancré à l’article 2 CP, veut que l’accusé soit jugé sur la base du droit en vigueur au moment de la commission des faits qui lui sont reprochés, sauf lorsque le nouveau lui serait plus favorable.

Dans le cas soumis au Tribunal fédéral, un Tribunal d’arrondissement, suivi par sa Cour d’appel, avait condamné l’auteur des faits à une peine de 180 jours-amende en procédant à un raisonnement, mixant hardiment ancien et nouveau droit, que voici :

D’abord il avait considéré que l’ancien droit des sanctions était plus favorable pour l’accusé que le nouveau droit. Sur cette base il avait retenu qu’une peine pécuniaire était suffisante pour réprimer le comportement de l’accusé. Puis il l’avait condamné à 300 jours-amende à CHF 30 le jour conformément à ce que prévoyait l’ancien article 34 CP en vigueur au moment des faits. Puis, il avait appliqué le nouveau droit pour ramener la quotité de cette peine de 300 à 180 jours-amende. Le tout avec sursis pendant 2 ans.

Or, pour le Ministère public, le Tribunal et la Cour d’appel devaient dans un premier temps déterminer le nombre d’« unités pénales » applicables en fonction de la culpabilité de l’accusé et, ensuite seulement choisir le genre de peine compatible avec le nombre d’unité pénales retenues. Il soutenait également que le principe de la lex mitior ne permettrait pas de réduire la peine concernée pour se conformer à l’art. 34 al. 1 CP.

En retenant une argumentation, en droit, légèrement différente de celle du Ministère public, le Tribunal fédéral va admettre le recours.

A. Premier grief du Ministère public : fixer un « quantum d’unités pénales » ou choisir le genre de peine en premier lieu ?

Sur cette question, notre Haute Cour commence par rappeler les principes de la fixation de la peine et le fait que, lorsque la loi prévoit plusieurs genres de peines – ce qui est régulièrement le cas pour la peine privative de liberté et la peine pécuniaire – le juge doit commencer par fixer le genre de peines. Ainsi, « Dans un tel cas de figure, la culpabilité de l’auteur ne peut constituer le critère décisif, mais doit être apprécié aux côtés de l’adéquation de la peine, de ses effets sur l’auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention ». Dès lors « lorsque tant une peine pécuniaire qu’une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d’accorder la priorité à la première ».

Dans ce sens le Tribunal fédéral va désavouer le Ministère public pour lequel la fixation d’un quantum d’unité pénales en fonction de la culpabilité de l’accusé devait consister en la première étape : « La prise en compte de la culpabilité dans le choix de la peine ne saurait cependant justifier la simple détermination d’un quantum d’unités, que le juge n’aurait ensuite plus qu’à traduire en jours-amende ou en jours de privation de liberté, selon les limites des sanctions en question (cf. ATF 144 IV 217 consid. 3.5.3 p. 235). Au contraire, le juge doit déterminer le genre de peine devant sanctionner une infraction, en tenant compte des différents critères énoncés précédemment – parmi lesquels la culpabilité -, ainsi qu’en fixer la quotité. Le recourant ne peut donc être suivi lorsqu’il soutient que le juge devrait tout d’abord fixer un “quantum, en unités pénales”, puis seulement décider du genre de peine, ce qui reviendrait à laisser de côté les critères précédemment évoqués devant être pris en compte dans le choix du genre de peine »

B. Le second grief du Ministère public : réduction du nombre de jours-amende pour tenir compte de la lex mitior ?

Sur ce point – qui va conduire à l’admission du recours – le Tribunal fédéral va à nouveau rappeler les principes et en particulier celui qui interdit de faire une application mixte de l’ancien et du nouveau droit. Ainsi : « Le nouveau droit ne doit être appliqué que s’il conduit effectivement à un résultat plus favorable au condamné. Par ailleurs, l’ancien et le nouveau droit ne peuvent pas être combinés. Ainsi, on ne saurait, à raison d’un seul et même état de fait, appliquer l’ancien droit pour déterminer quelle infraction a été commise et le nouveau droit pour décider si et comment l’auteur doit être puni. Si l’un et l’autre droit conduisent au même résultat, c’est l’ancien droit qui est applicable ».

Le Tribunal fédéral rappelle ensuite le Message du Conseil fédéral précité et souligne que le nouveau droit des sanctions est à l’évidence plus sévère que l’ancien droit des sanctions.

Cela étant fait, le Tribunal fédéral applique ces principes au cas d’espèce pour retenir que la manière dont les autorités cantonales s’y sont prises pour fixer la peine était erronée. On s’en souvient, les autorités cantonales avaient d’abord déterminé le droit le plus favorable comme étant l’ancien, sur cette base fixé la culpabilité de l’accusé à 300 unités pénales de peine-pécuniaire, ce qui était possible sous l’ancien droit, avant de ramener cette peine à 180 jours-amende pour tenir compte du plafond maximum imposé par le nouveau droit. Pour notre Haute Cour, et à raison, « Cette manière de faire consiste à combiner l’application de l’ancien et du nouveau droit, ce qui contrevient à la jurisprudence ».

Le recours du Ministère public est donc admis.

Mais en prime et surtout, le Tribunal fédéral nous révèle la bonne recette pour fixer la peine à raison de faits commis sous l’ancien droit des sanctions et devant être jugés après l’entrée en vigueur du nouveau droit :

Dans son nouveau jugement, la cour cantonale devra

  1. Dans une première étape, appliquer à l’infraction en cause l’ancien droit, sous l’empire duquel les faits se sont produits. Elle devra déterminer si, dans le système de l’ancien droit, une peine pécuniaire de 300 jours-amende correspond à la culpabilité du recourant.
  2. Dans une seconde étape, elle devra appliquer le nouveau droit dans sa totalité à cette même infraction, ce qui devra conduire, à culpabilité identique, à retenir une sanction de 300 jours de peine privative de liberté.
  3. Dès lors qu’il est admis qu’une peine privative de liberté est plus sévère qu’une peine pécuniaire, elle devra appliquer l’ancien droit et confirmer la peine pécuniaire de 300 jours-amende.
  4. Si la cour cantonale arrive à la conclusion que, selon le système de l’ancien droit, la gravité de la faute du recourant doit conduire à une peine pécuniaire de moins de 300 jours-amende, par exemple de 180 jours-amende, elle pourra prononcer une peine pécuniaire de 180 jours-amende. Dans ce cas, l’application du nouveau droit conduira au même résultat et ne sera donc pas plus favorable.

Simple,

basique,

implacable,

 on s’incline !

Laisser un commentaire