Dans un communiqué du 20 août 2025 (https://www.news.admin.ch/fr/newnsb/mL8v1JxGdm-mMFujbuOBN), dont la presse s’est fait le relai hier, le Conseil fédéral évalue l’utilisation des bracelets électroniques au sein de l’arsenal des sanctions pénales à disposition des autorités.

Cette évaluation est positive, le gouvernement suisse estimant que cette modalité d’exécution de peine a fait ses preuves et qu’elle est de plus en plus souvent utilisée par les cantons, constatant une augmentation de 25% des décisions accordant la surveillance électronique entre 2018 et 2023 (Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 16.3632 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 30 août 2016, p. 12).

Il sied de préciser que ce rapport ne se concentre que sur la surveillance électronique en tant que forme alternative d’exécution de la peine ou comme allègement dans l’exécution de la peine (Rapport précité, p. 12).

En effet, le bracelet électronique peut être employé à des moments distincts d’une procédure pénale, voire dans le cadre de procédures en protection de la personnalité. En matière pénale, il peut d’abord faire son apparition en cours de procédure pénale et prend alors la forme d’une mesure de substitution à la détention préventive. Il est ensuite le plus souvent question de bracelet électronique après le jugement, dans la phase dite de l’exécution de peine. Enfin il peut être question de bracelet électronique pour vérifier le respect de mesures telles que l’interdiction géographique et l’interdiction de contact au sens de l’art. 67b al. 3 CP.

1. Le bracelet électronique et le droit

Ainsi, la surveillance électronique dans le cadre de l’exécution de la peine est régie par l’art. 79b CP. Elle peut être ordonnée en lieu et place d’une peine privative de liberté d’une durée de 20 jours à douze mois ou du travail externe ou travail et logement externes pour une durée de trois à douze mois. Suite à une jurisprudence récente, la surveillance électronique peut également être prononcée en cas de sursis partiel lorsque la partie ferme de la peine n’excède pas 12 mois (ATF 150 IV 277, consid. 2.4).

En outre, elle ne peut être ordonnée qu’aux conditions cumulatives suivantes :

  • le condamné ne présente ni risque de fuite ni risque de récidive,
  • il dispose d’un logement fixe,
  • il exerce une activité régulière pendant au moins 20h par semaine, étant précisé que le travail domestique, le travail éducatif, la participation à un programme d’occupation ou toute autre occupation structurée sont réputés équivalents,
  • les adultes faisant ménage commun avec le condamné consentent à cette modalité d’exécution et enfin,
  • le condamné approuve le plan d’exécution établi à son intention.

Par ailleurs, le bracelet électronique peut également être utilisé dans le cadre de mesures de substitution à la détention préventive (art. 237 al. 3 CPP), le Tribunal fédéral ayant confirmé qu’il s’agissait d’une alternative dont l’adéquation doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances, notamment l’intensité du risque de fuite et la gravité des infractions (ATF 145 IV 503).

En outre, le Tribunal fédéral a encore constaté que le port du bracelet électronique pouvait être suffisant pour pallier le risque de fuite dans la mesure où il dissuaderait le prévenu d’enfreindre l’assignation à résidence, ou, le cas échéant, de permettre une intervention rapide de la police en cas de tentative de fuite (Arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2011 du 21 septembre 2011, consid. 3.3).

Cela étant dit, cette dernière hypothèse a depuis lors été considérablement relativisée, pour ne pas dire exclue par le Tribunal fédéral dans la mesure où la mise en œuvre actuelle du bracelet électronique ne permet pas concrètement d’empêcher activement la fuite, faute d’une surveillance concrète et permanente (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_269/2018 du 5 juin 2018).

En conséquence, la jurisprudence plus récente en matière pénale considère toujours le port du bracelet électronique comme une simple mesure de contrôle, étant, de manière générale, insuffisante pour prévenir le risque de fuite (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_269/2018 du 5 juin 2018, consid. 1.3 ; ATF 149 III 193). Cela implique que le bracelet électronique ne sera accordé qu’à des prévenus ne présentant pas de risque de fuite ou, éventuellement, un risque de fuite particulièrement faible.

En tout état de cause, l’on souligne que le Tribunal fédéral a également retenu qu’il n’était en aucune façon acceptable que le bracelet d’électronique soit refusé au motif que l’équipement ferait défaut (Arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2011 du 21 septembre 2011, consid. 3.3). Selon notre Haute cour, il appartient aux autorités cantonales compétentes de prendre les mesures nécessaires afin de pouvoir disposer d’équipements adaptés à une telle mesure prévue par le code de procédure pénal (Arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2011 du 21 septembre 2011, consid. 3.3).

Comme exposé ci-dessus, le bracelet électronique peut également être envisagé pour s’assurer du respect d’interdictions de périmètre ou contact au sens de l’art. 67b al. 3 CP, respectivement comme condition de congés octroyés à des détenus selon l’art. 84 al. 6 CP.

Le port du bracelet électronique peut enfin être ordonné dans le cadre d’une procédure en protection de la personnalité, soit pour interdire à une personne de s’approcher de la victime (art. 28c CC). A ce titre, le Tribunal fédéral a eu l’opportunité de rappeler que la mesure de surveillance électronique restreint les droits fondamentaux (liberté personnelle, sphère privée) et doit respecter le principe de proportionnalité (ATF 149 III 193).

2. Quelques pistes de réflexion sur le bracelet électronique

Au regard de ces différentes configurations permettant la mise en œuvre d’une surveillance électronique, l’on remarque que les bracelets électroniques et leur efficacité peuvent nourrir plusieurs réflexions.

A titre liminaire, l’on rappelle que le bracelet électronique est bel et bien une modalité d’exécution d’une peine privative de liberté, qui n’est pas anodine et déploie des conséquences importantes du point de vue du droit des sanctions et de la liberté individuelle. Le condamné exécutant sa peine sous surveillance électronique est effectivement privé d’une part de sa liberté en ce sens qu’en dehors des heures de travail (14 heures par jour au maximum incluant également la formation, les loisirs, activités sportives, achats, visites médicales, démarches administratives et participation à des thérapies individuelles ou de groupe) il doit rester à son domicile (Voir pour le canton de Vaud les art. 6 ss du Règlement concordataire sur l’exécution des peines privatives de liberté sous surveillance électronique).

A cet égard, l’on peut se référer au rapport du Conseil fédéral : « il a été constaté que cette forme d’exécution revêtait un caractère punitif rappelant « sa situation 24 heures sur 24 à la personne concernée, qui doit de plus être constamment attentive à respecter son emploi du temps hebdomadaire et quotidien » (Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 16.3632 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 30 août 2016, p. 5).

Sur cette base l’on peut affirmer que cette modalité d’exécution des courtes peines privatives de liberté est en parfaite harmonie avec le but poursuivi par les peines en droit pénal moderne, à savoir sanctionner un comportement déviant passé, tout en favorisant l’amendement ainsi que la réintégration du condamné et en le décourageant de commettre d’ultérieures infractions.

Les aspects de resocialisation prennent d’autant plus d’importance que, pour les condamnés exerçant une activité professionnelle ou devant rester au foyer pour s’occuper de leurs proches (le plus souvent des enfants), l’exécution de la peine sous surveillance électronique permet de maintenir les liens socio-professionnels et familiaux, là où les condamnés exécutant une peine privative de liberté perdent leur emploi, souvent leur logement par voie de conséquence, ou ne sont plus en mesure de s’occuper de leurs familles causant ainsi des dégâts collatéraux considérables allant bien au-delà du but visé par le droit des sanctions.

De surcroit, s’agissant des coûts tant pour les condamnés que pour la collectivité, les frais liés à l’exécution d’une peine sous surveillance électronique sont considérablement inférieurs à ceux de découlant de l’exécution d’une peine privative de liberté.

Dans ce sens d’ailleurs, il y a lieu de tenir compte des avantages de la surveillance électronique eu égard aux situations carcérales délétères, lesquelles découlent d’une surpopulation carcérale grandissante.

En effet, le port du bracelet électronique permettrait aisément de désengorger les centres pénitentiaires s’il était appliqué davantage et à un nombre plus important de situations.

On souligne enfin que, du point de vue de la restauration des intérêts des victimes et des lésés, l’exécution d’une peine privative de liberté sous surveillance électronique permet au condamné de maintenir une activité professionnelle donnant lieu à rémunération et, partant, à la possibilité concrète d’indemniser les victimes, indemnisation souvent entravée en cas de détention.

L’on peut ainsi regretter que le Conseil fédéral ne saisisse pas cette occasion pour augmenter la durée des peines privatives de liberté compatibles avec une exécution sous surveillance électronique, certains cantons certes minoritaires ayant proposé que des peines jusqu’à 18 mois voire 24 mois puissent encore être exécutées sous le régime de la surveillance électronique. A titre d’exemple, la peine ferme maximale pouvant être prononcée en cas de sursis partiel est de 18 mois, soit la moitié de la peine globale maximale admissible pour un sursis partiel (36 mois). Sachant que la condition sine qua non pour prononcer un sursis – même partiel – est l’absence de pronostic défavorable, la solution actuelle semble absurde, puisque, celui qui se verrait condamné à 36 mois de peine privative de liberté avec sursis partiel, dont 18 mois fermes, n’aurait d’autre choix que d’aller en prison, au risque de perdre emploi, logement et famille, cela alors même qu’il y aurait dans son cas une absence de pronostic défavorable. L’on peine à concevoir qu’une différence de seuls six mois puisse, toutes choses égales par ailleurs, justifier des conséquences à tel point différentes. Une réflexion sur l’articulation de la surveillance électronique et les peines avec sursis partiel à tout le moins s’impose.

Autre ombre au tableau, qui concerne cette fois essentiellement les surveillances électroniques mises en œuvre à titre de mesure de substitution à la détention préventive dans les cas de risques de fuite ou de récidive, respectivement les interdictions de contacts et de périmètre. A ce jour il apparaît certain que l’utilisation de cette mesure de surveillance doit être repensée en raison de l’absence d’une surveillance active (ou surveillance mobile), constante et efficace permettant un géolocalisation de l’individu concerné en temps réel à toute heure du jour et de la nuit.

Il s’agit là d’un élément central et éminemment problématique, puisqu’à l’heure actuelle seules des surveillances dites passives sont mises en œuvre. Concrètement, cela signifie que les déplacements et activités du porteur du bracelet sont enregistrés en continu, mais que les messages d’alerte (comme une violation de périmètre ou d’horaires) sont gérés principalement durant les heures de bureau (08h00 à 17h00, du lundi au vendredi). Ainsi en cas d’écart, souvent lourd en conséquences, l’autorité compétente est informée le jour ouvrable suivant, et non instantanément.

Cet écueil est tout d’abord sensible du point de vue de la protection des victimes de violences, lesquelles ne se sentent, à juste titre, pas protégées nonobstant le fait que l’auteur de l’infraction soit porteur d’un bracelet électronique, puisqu’elles savent que la police ne sera pas alertée en temps réel et ne disposera de ce fait pas du temps nécessaire pour intervenir à temps en cas de violation de l’interdiction de périmètre par exemple.

Mais cela est également problématique pour les prévenus qui n’auront régulièrement pas accès au bracelet électronique au motif que, de manière générale, cette mesure de surveillance ne parvient pas à prévenir de manière suffisante un risque de fuite, ce souvent sans égard avec l’inexistence d’un risque de fuite dans le cas concret.

En d’autres termes, en raison d’une défaillance de l’État dans la mise en œuvre de l’exécution d’une mesure d’ordre pénal, nombre de justiciables sont aujourd’hui contraints de subir une atteinte importante à leur liberté, alors même que l’arsenal juridique permettrait parfaitement de trouver des solutions proportionnées et portant moins atteinte aux droits fondamentaux des principaux concernés.

Le principal obstacle à la mise en œuvre d’une surveillance continue par le biais d’un bracelet électronique semble être d’ordre financier, à savoir les coûts importants engendrés par la généralisation de cette surveillance technique. Or, une simple logique comptable ne semble pas adéquate pour appréhender correctement toutes les implications relatives à la surveillance électronique et à sa mise en œuvre.

Les objectifs de resocialisation d’un condamné ne devraient jamais avoir à dépendre du budget que l’État est prêt à investir. La réinsertion ou la lutte contre la désocialisation n’ont pas de prix. Tout comme le besoin de sécurité des victimes de violences.

En conclusion, il faut certes se satisfaire du fait que le Conseil fédéral constate les bienfaits du bracelet électronique. Mais s’en satisfaire n’implique pas qu’il faille s’en contenter. Il doit être rappelé, sans cesse et avec vigueur, que cette surveillance pourrait être améliorée et étendue. Il en va de la poursuite des objectifs que notre justice pénale s’est fixé, de la réinsertion des condamnés et de l’intérêt de victimes. En d’autres termes, il s’agit simplement d’agir pour préserver les intérêts de la société. Il est fondamental de punir les auteurs d’infractions, mais il l’est tout autant de le faire avec intelligence, l’intelligence du rôle joué par la juste peine dans le rétablissement de l’équilibre fragile que l’infraction met à mal, d’un côté de la barre comme de l’autre. Le bracelet électronique est une avancée cardinale dans cette direction.