Dans un arrêt 6B_1429/2020 destiné à la publication mis en ligne aujourd’hui, le Tribunal fédéral tranche la question de savoir si un conducteur peut être condamné à la fois pour avoir conduit en état d’ivresse qualifiée (art. 91 al. 2 let. a LCR) et en état d’incapacité pour d’autres raisons (art. 91 al. 2 let. b LCR).
Le prévenu avait en effet conduit en état d’« ébriété qualifiée » au vu de son taux d’alcool dans le sang de 0.92 o/oo (art. 91 al. 2 let. a LCR) …
… et se trouvait aussi dans l’« incapacité de conduire pour d’autres raisons », en l’occurrence un état de fatigue avancé découlant d’une absence de sommeil de presque 24 heures (art. 91 al. 2 let. b LCR).
L’art. 91 al. 2 LCR prévoit que :
« Est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque :
a. conduit un véhicule automobile en état d’ébriété et présente un taux d’alcool qualifié dans le sang ou dans l’haleine ;
b. conduit un véhicule automobile alors qu’il se trouve dans l’incapacité de conduire pour d’autres raisons. »
La doctrine divisée s’était en effet longtemps demandé si, en présence d’une situation relevant à la fois de l’état d’ébriété qualifié de la lettre a et de l’incapacité de conduire pour d’autres raisons de la lettre b l’une de ces lettres absorbait l’autre (concours imparfait) ou si les deux étaient applicables simultanément (concours parfait).
La réponse à cette question n’est pas anodine puisqu’en cas de concours parfait la peine doit être aggravée selon le mécanisme prévu à l’art. 49 CP.
Se fondant principalement sur la position exprimée par le Prof. Yvan Jeanneret (Yvan Jeanneret, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, 2007, n°140 ad art. 91 LCR), le Tribunal fédéral consacre l’option du concours parfait.
Ainsi, tant la lettre a que la lettre b de l’art. 91 al. 2 LCR s’appliquent de manière conjointe et il n’y a pas à choisir l’une plutôt que l’autre.
En substance, le Tribunal fédéral retient que les cas de figure prévus à art. 91 al. 2 let. a et 91 al. 2 let. b LCR sont complémentaires puisqu’une incapacité de conduire peut-être due soit à l’état d’ébriété, soit à une autre cause, ou même avoir été entraînée à la fois par l’alcool et par une autre cause.
Notre Haute Cour considère ainsi que ces dispositions ne se recoupent pas. Les cinq juges de la Cour de droit pénal relèvent à ce sujet que le cas de figure de l’art. 91 al. 2 let. b LCR se définit même par exclusion de l’hypothèse prévue à l’art. 91 al. 2 let. a LCR (« pour d’autres raisons ») et qu’il n’apparaît donc pas que l’une des dispositions embrasse l’autre.
Dans un tel cas de figure, punir plus sévèrement par le biais de l’aggravation la réalisation de ces deux comportements, qu’en présence d’une seule cause d’incapacité, n’est pas contraire au droit fédéral.